Quand je pense à ma colère, quand je pense à ma méfiance maladive …
Je pense tout de suite à lui. Lui qui m’a enlevé cette innocence, cette confiance en les hommes d’âge mûr, en tout homme tout court. Point à la ligne.
Je pense à l’énergie que je mets, chaque jour, pour être en colère contre le monde entier. Colère qui me permet de me sentir protégée, en total contrôle.
Je pense aussi à toutes les autres à qui cela est arrivé. Avec les années qui passent, nous nous reconnaissons, nous sommes attentives aux signes, aux symptômes… Nous n’en sommes pas toutes au même point, nous n’en sommes pas toutes au même kilomètre sur le chemin de la guérison et de la paix, mais les signes se voient et se rejoignent : bras qui se croisent, buste qui se redresse, sourcils qui se froncent, attention aigüe à la discussion, bienveillance, envie de prendre l’autre dans ses bras ou envie d’hurler, de pleurer même.
Ce soir, pour ma part, j’ai rencontré une âme qui a fait plus de chemin que moi… et qui nous a raconté son histoire. En douceur, avec une large acceptation et surtout une envie que cet évènement de sa vie ne la définisse pas. Et c’est si dur à recevoir…
Oui, parce que moi je n’en suis pas là, parce qu’en être là nécessiterait de lâcher cette colère si chère, si indispensable à mon quotidien. Comment fait-elle ?
Elle nous a également parlé de sa petite sœur à qui cela est aussi arrivé, petite sœur qui est très en colère et qui, dans la représentation qu’elle nous en fait, je me reconnais totalement.
Chère colère, mon doudou chéri, tu m’es si nécessaire. Et pourtant le tableau qu’elle nous dresse hier, me dérange.. et c’est bien la première fois ! Au-delà de la réaction banale et triste à mourir de tous les autres, elle ne dit pas qu’elle devrait passer à autre chose, ou faire un effort. Elle éprouve simplement une profonde tristesse pour sa cadette qui se perd dans cette énergie toxique.
Mais comment fait-elle pour ne plus s’y perdre elle ? Moi, sur mon chemin, je n’ai pas encore trouvé la réponse à cette question.
Alors, vous devez vous dire pourquoi je vous raconte ça ? Hé bien parce que je suis persuadée qu’il n’y a pas si longtemps, une autre âme a ressenti la même chose que moi, elle s’est retrouvée dans cette même situation. Et j’aimerai qu’elle ne se sente pas seule… seule comme je me suis sentie hier soir.
Ô consentement, toi qui nous a été si injustement enlevé, tu es si précieux, fragile et difficile à définir certes mais si précieux. Peut être est-il temps que nous consentions à guérir, à trouver la paix ? Même si la route semble longue.