Ici c’est un pays étonnant

Ici les personnes qui ne sont pas de ma couleur de peau ne me sourient pas. Elles me regardent mal, très mal même. Et en même temps quand je lis l’histoire de ce pays, je comprends qu’on puisse mal me regarder. Je fais ici une petite parenthèse mais, plus les années passent et plus mon compteur d’âge grossit, plus j’ai l’impression que l’histoire de l’histoire de l’homme ayant ma couleur de peau, partout où il est passé, n’est vraiment pas glorieuse. Il a pillé, manqué de respect, détruit, christianisé, tué, changé… constamment et en continu.

Et ici, pour la première fois de ma vie, je me sens minorité. Alors, je vous le confirme, c’est vraiment pas agréable. Mais, mine de rien, c’est instructif, cela m’apprend à me faire regarder avec mépris juste par rapport à la couleur de ma peau. Un point sur lequel je ne peux rien faire du tout. C’est vraiment quelque chose de particulier à vivre, c’est terrible mais c’est formateur. Et c’est dommage aussi, parce que si ça se trouve je suis quelqu’un de bien.

Et c’est pareil pour eux, les gens d’ici qui n’ont pas ma couleur de peau, si ça se trouve ce sont des gens biens, c’est très probable même. Leurs conditions de vie sont déplorables certes mais ils sont sympas. Travailler 1 mois sur site h24 et avoir 5 jours de congés… c’est loin de ce qu’on pourrait appeler le confort non? Et je ne te parle pas des bidonvilles qui servent de résidence principale….

Je me dis que c’est triste parce qu’ici tous les gens ayant ma couleur de peau ont l’air riche et que les autres ne l’ont jamais cet air. Quel cliché me direz vous !!!!

J’ai passé la totalité de mon séjour dans ce pays à me demander comment ses habitants peuvent support cela ? Le non vivre ensemble, la détestation, la pauvreté criante. C’est déjà scotchant à observer… alors à vivre ? Comment est ce que les citoyens d’ici, qui ont mon âge, qui ont été élevés dans mon époque, peuvent vivre dans cette monstrueuse atmosphère ? N’ont-ils pas honte ? Pensent-ils réellement que c’est « ok » de vivre comme ça ? Ne veulent-ils pas changer les choses ? Et si leur réponse s’avérait être non, elle me serait alors profondément, totalement incompréhensible. Est ce que les citoyens d’ici ont honte que certains de leurs autres concitoyens vivent dans de telles poubelles pendant qu’eux mangent leurs burgers à 40 euros ?

Mais peut-être me direz vous aussi, et toi alors n’as-tu pas honte des conditions de vie de certains de tes concitoyens ?

Alors je ne suis pas sociologue hein et je ne connais vraiment pas grand chose du monde, ma réflexion reste donc tout à fait superficielle, mais … Ne serait-il pas grand temps d’arrêter de se regarder avec mépris parce que la couleur de peau de la personne d’en face est différente ? Elle n’y peut rien. Elle est très certainement quelqu’un de bien. Cela devient malaisant à la fin, et je me fais la réflexion que c’est encore pire quand cela émane des jeunes générations. Merci de ne pas enfermer les autres dans des clichés bêtes à pleurer qui ne les définissent pas. Pourquoi ne pas aller se parler, essayer de tisser des liens ? C’est con comme idée hein ? Mais nous avons sûrement beaucoup plus en commun que tout ce que nous croyons.

La vrai conclusion, c’est que cette toute petite aventure dans ce pays, qui n’est pas le mien, ne me fera malheureusement pas devenir quelqu’un qui lutte activement pour les droits de l’Homme… même si je devrais sérieusement m’y mettre. Je devrais aussi commencer à me sentir un peu plus reconnaissante de n’avoir qu’à allumer deux boutons pour avoir l’électricité ou l’eau chaude.
Et je devrais continuer à ouvrir les yeux sur le fait que ce que je vois dans ce pays existe. Partout et à différentes échelles.
Et surtout que, moi, j’ai cette chance de pouvoir devenir qui je veux, de voyager où je veux, de porter ce qu’il me plaît, d’aimer qui je veux, de faire ce que je veux de mon corps et que, cette chance là, il ne faut pas la gaspiller. Elle est précieuse.